LES CORPS GLORIEUX.
Tu ne te feras point d’image taillée,
ni aucune représentation des choses qui sont là-haut dans les cieux
Exode 20/4-6
De tout temps des images symboliques ont jalonné l’histoire afin d’en mémoriser les étapes. C’est pourtant depuis la Renaissance, que la chrétienté a favorisé la représentation des corps et des objets, non seulement pour les protéger de l’oubli éternel, mais pour les magnifier à sa guise.
Cette stratégie a permis de dénier le pourrissement des corps et sa disparition tragique , en transformant l’échec de la mort en victoire de la résurrection dans l’au delà. Cette foi dans les corps glorieux et leur vie éternelle a inspiré les peintres et les sculpteurs pour dresser devant nos yeux confiants, une communion des saints capables de consoler et d’intercéder pour nous, auprès du très haut. L’image de ces héros de référence est la plupart du temps avenante, figée en pleine fleur de l’âge, sans rides ni embonpoint.
Aujourd’hui la construction imaginaire a pris des formes différentes. Le corps glorieux des stars a remplacé celui des saints, accompagnés des canons de beauté de la mode. Non seulement on peut modifier en profondeur le corps vivant des idoles par la chirurgie esthétique, mais on peut l’étirer, l’amincir, l’affiner, le peaufiner, à l’aide de la palette graphique. Ce jeu de cache cache angoissé avec la réalité du vieillissement se retrouve dans les magazines et imprègne l’esthétique cinéphotonumérique dans son ensemble.
C’est de cette relation troublante entretenue par la parenté d’images de saints de siècles précédents et d’images de stars médiatiques actuelles que Sophie Langohr nous parle. Cette pérénité du kitsch modifiant nos corps de façon de plus en plus hyperréaliste nous indique ce désir collectif incessant d’aligner nos profils sur des canons esthétiques mytiques. Des petits trucs illusoires capables d’empêcher la peau de trop vite s’étioler et de retarder l’échéance.
Quand toutes les armes de défense visant les affres du temps sont abandonnées au profit du désespoir, reste un dernier recours pour ceux qui y croient. Sainte Rita est plus proche d’une tranche de société déshéritée, des femmes battues, célibataires abandonnées, prostituées, elle a désormais conquis le coeur des artistes, des transexuels, des chômeurs et laissés-pour-compte. Son passé réel et imaginé a fait d’elle la sainte championne des causes désespérées. C’est cette image saint sulpicienne que Jacques Charlier évoque souvent ironiquement, en regard d’un marché et d’une histoire de l’art de plus en plus instrumentalisés.
D’une part l’image des corps glorieux des stars de la mode imposant leurs lois d’airain. De l’autre , une imagerie pieuse du corps glorieux d’une sainte qui a traversé le temps et reste pour certains, le dernier recours d’une société en crise.
Sergio Bonati.
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