Le ridicule ne tue pas, mais il y contribue. S. Bonati.
Le monde de l’art va mal, il est même à bout de souffle. La people-mania frappe de plus en plus fort ces derniers temps. Après la venue de Brat Pitt à la dokumenta de Carolyn Christov Bakargiev et de son special jour des chiens. Après la reconstitution design pareille à l’identique des attitudes, qui jadis étaient formes du regretté Harald Szeemann à la Ca’ Corner della Regina de Venise. Voici la Fondation Maeght qui désigne un grand reporter-cinéaste-philosophe en tant que curateur de grande exposition.
BHL, ex-général en chef du corps d’armée de St Germain-des-Prés, nous a conté hier sur les plateaux de Laurent Ruquier, ses nouvelles frasques tintinesques dans le monde de l’art, et son projet d’expo à venir. Ce fut, avouons le, un grand moment de réjouissance pour les connoisseurs.
Ici pas de chemise blanche, un simple Tshirt décolleté, un brushing venteux genre Mermoz en plein vol . La star affronte sans l’ombre d’une hésitation un pannel d’invités, qui visiblement s’avoue mal à l’aise avec son nouveau job.
On sent bien que rien que le mot “art contemporain”, entraine réserve et circonspection dans l’auditoire. Natacha Polini, heureusement, sauve un peu les meubles en le poussant tant soit peu dans ses retranchements narcissiques, mais sans plus.
Pour nous c’est bien, l’humour est sauf, personne n’ose lui rentrer dedans, on va pouvoir se délecter. On le voit alors se lancer avec des effets de manches et des moulinades lamartiniennes, nous raconter ses rencontres avec le pompiérisme chic.
En concepteur de concepts, Il croit ferme avoir découvert le bidon de deux litres en faisant lire un texte de philo de son choix aux protagonistes face caméra. La vidéo étant destinée à être diffusée dans des cellules de pseudo- peep-show intellos installées dans l’expo.
Il se heurte momentanément avec Jeff Koons, dont il admire sans réserve les capacités intellectuelles, ne comprenant pas que celui ci évite tout propos sur l’idée de jugement. Ce poncif et vieux théorème de base de Duchamp que visiblement notre incorrigible penseur ignore, à notre grande joie.
Ses descriptions naïves des tableaux de Basquiat, des vacances d’Hegel, de Magritte, du “cadeau” énorme que lui a fait le grand chef pompier Kiefer, le blanc tellement parlant de Soulages, du portrait si secret de Breton 1), sont du plus haut comique de base.
Le top hilarant de son accrochage futur est Sainte Véronique, la bien connue patronne des photocopieurs et des photocopieuses. Celle ci est représentée Par Jim Dine, Pierre et Gilles, l’école Bartolomé Murillo, Simon Voué, l’entourage de Jan de Beer, et l’anonyme flamand du XVe siècle. Bref, une équipe de choc.
Cette mise en exergue d’une sainte inventée de toutes pièces, est très révélatrice de l’inconscient copieur de notre curateur de service. Les aventures de la vérité de BHL montrent bien que pour faire courir les touristes de l’art aujourd’hui, on peut se passer aisément des professionnels de la profession.
Il suffit de photocopier ce qui s’est passé il y a quarante ans et le réadapter à la gastronomie baratineuse boboïste dominante, qui elle, n’a rigoureusement rien de dadaïste, mais beaucoup à voir avec la pensée des copains collectionneurs prêteurs.
A ce train là, on peut dès à présent, envisager d’autres concepts d’expos à succès de masse.
Carole Bouquet organisant au Jeu de Paume: “Du sublime dans l’art”, Dany Boon et Poelvoorde présentant “ Chefs d’oeuvre d’impertinences” au Musée d’art moderne. Alain Soral “ L’imposture du graffiti” à Beaubourg, et Johnny Halliday, “Vingt siècles de tatouages” au Musée Branly.
P’têtre bien qu’on y arrivera plus tôt que prévu. Pauvre France…
Jacques Charlier,1) Les scénaristes conseillers de BHL ont eu la sagesse de ne pas mettre dans les pattes de l’acteur-média des artistes qui ont eu affaire avec la philosophie, tels Ian Wilson, Haacke, Art and Language, Dan Graham, Broodthaers et bien d’autres. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés!
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