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RUSH ART
Prétention, mépris, suffisance et sectarisme sont bien sûr des gages de qualité incontestables
Katherine Louineau.
Si on se risque à faire un «point route» de l’Art, on constate que le trafic est de plus en plus saturé non seulement sur les grands axes, mais aussi sur les routes secondaires, jusqu’aux chemins de traverses et sentiers forestiers. Pourtant dans les médias, on ne parle que des quelques privilégiés (toujours les mêmes) qui dépassent en Jet et en hélico pour aller remplir les réserves des musées à la mode, les galeries leader, les salles de vente, les relais bien huilés au service des collectionneurs et autres spéculateurs complices.
C’est le prix de leurs oeuvres et moins leur contenu qui alimentent le feu des conversations des fins de vernissages et les champagnes des cafétérias de foire. Les autres millions d’artistes dont on parle moins et même pas du tout, restent coincés dans des embouteillages et vont de sur place en accordéon. Leur fonction est de faire tourner la machine en attendant une tranche de gloire bien hypothétique. Pour en savoir plus sur eux, du moins sur les quelques élus poussés par les galeries discrètes ou inconnues au bataillon, il faut piocher sec dans l’info et se faire quelques soucis en matière de discernement.
Mais qui a la sainte patience de compulser les textes tarabiscotés joints aux reproductions minuscules et de décrypter les quarts de pages des revues dîtes spécialisées qui survivent grâce à la pub ? Qui s’attarde, lors des foires devant les hordes d’inconnus, sans grades, sous-évalués, oubliés, qui peuplent tristement les cimaises ? On passe en coup de vent, on jette un coup d’ oeil blasé sur la daube en plaignant les galeristes au visage défait qui chipotent sur l’ordi en jouant les débordés.
Ce sont pourtant eux qui composent le décor sursaturé du monde de l’art. C’est parmi eux que l’on porte aux nues le dernier venu sur lequel il va falloir compter. Celle ou celui avec qui on pourra se faire passer pour le super futé qui a vu clair avant les autres. Bref pour l’amateur éclairé, c’est un parcours du combattant qu’il vaut mieux emprunter en moto en brûlant les feux rouges. Pour slalomer dans ce fatras de sous pop, d’art pauvre devenu riche, d’after post conceptuel sans esprit, de minimalisme réellement primaire, de performance miteuse, d’objet de plus en plus vite trouvé, d’installation bouffonne et de vidéo porno teintée de provoc à dix balles, il faut en fait, ….un courage formidable !
La couleur dégouline au gré des modes qui se font et se défont au même rythme que la haute couture. C’est-à-dire toujours plus vite en mélangeant les styles, les époques et les genres, en feignant à chaque coup de découvrir l’eau chaude au profit des ressassées, des remakes de tout poil au tout premier degré. C’est le règne de l’ouverture des styles et de la cohabitation des tendances jusqu’à plus soif.
Depuis maintenant un fameux bout de temps, Charlier s’amuse de cette versatilité en ironisant sur un système qui risque d’exploser un jour comme les produits dérivés. Il illustre ses idées critiques en choisissant le support qui leur convient le mieux. Ici pas de style ou de répétitions laborieuses d’un tic qui a fait recette. C’est plutôt l’art et son histoire qui font office de palette et de tableau. Une logique difficile à suivre, mais ceux qui s’y risquent échappent au moins à l’ennui généralisé et aux fameux signes de distinction d’un monde où on ne distingue plus grand chose.
R. Vandersanden
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