L’ANGLE MORT DE L’INFO.
Une fausse erreur n’est pas forcément une vérité vraie. Pierre Dac.
Avouons que parmi les nouvelles dont on bombarde notre quotidien, un pour cent à peine nous concerne vraiment et interfère sur notre manière d’agir. On le sait mais ça ne nous empêche pas de tabuler frénétiquement en courant de l’i phone à l’ordi, de la télé au journal et à la radio. Cette cascades de relais constituent un décor émotionnel dont la vitesse de renouvellement est proportionnelle à notre capacité infinie d’échapper à nous-mêmes
Toutes ces nouvelles signifient surtout ce à quoi nous échappons et la chance d’être absents des lieux où les catastrophes se déroulent. Sur cette toile de fond imaginaire continue, défilent les horreurs du monde entrecoupées de prévision météo et de pub. Ces images chiffonnées d’un monde hyper dramatisé s’engouffrent pourtant de plus en plus rapidement dans l’oubli collectif. Lorsqu’on force notre mémoire à se souvenir d’ évènements majeurs qui nous ont captivé dans un passé même récent, ils apparaissent comme désuets , désamorcés de cette passion épidermique qui les rendaient si attractives.
Cette boulimie émotionnelle est depuis un certain temps envahie insidieusement par la non-info, le non-évènement à l’état pur. Ce mode de communication cynique du vide est en expansion et prend peu à peu le pas sur les évènements réels.
Exemple: Pendant des mois, des dizaines de journalistes ont fait le pied de grue rue de la Loi. Ils ont sué et gelé en piétinant les trottoirs avec excitation, pour nous ramener en direct ou en différé, des interviews de politiques en gros plan , encombrées de redites, de doublons, de tics verbaux qui nous font sourire ou ricaner, mais ne veulent rien dire . Que de visages contrariés, harcelés par les mêmes questions lancinantes . Que d’heures d’attente en pure perte, caméra au sol, alors que les rédactions sont conscientes que ces piges interminables n’apportent qu’un rituel de suspense audimétrique.
Même débordement futile que ces pseudos révélations de Wikileaks, laborieux cortège de brèves de comptoir qu’on nous avait annoncé capable de provoquer une crise diplomatique mondiale. Essayons aussi , de nous remémorer le pathétique appel du 7 décembre de Cantona , les déclarations ridicules de Ségolène Royal présentant sa candidature aux primaires, les angoisses footballistiques existentielles face au jugement de la FIFA , et combien d’autres propos surmédiatisés à outrance. On ressent vite un vertige nauséeux en se penchant sur cette pitoyable poubelle à souvenirs, En vérité nous sommes honteux de nous mêmes d’y avoir prêter autant d’attention .
Cette montée en puissance du vide accompagnant la saturation des programmes et des jeux, occulte la peur de l’émergence d’une violence gratuite et ingérable, qui n’est pas seulement présente dans les stades, les gangs et les cellules dormantes. Les grands évènements du monde sont battus en brèche par du n’importe quoi émis par les dominants qui veulent être vus à n’importe quel prix . Le discours politique ou intellectuel à contenu a fait place aux petites phrases à chaud et aux scoops de plateaux qui trouent les J.T. , provoquent et font jaser .
Cette tactique médiatique perverse inspirée de la pub est malheureusement adoptée par les pouvoirs en place. Elle n’est pas seulement exempte de sens, elle risque de mener au pire de la désaffection démocratique auprès des déçus du système, et D. sait s’ils sont de plus en plus nombreux.
Jacques Charlier . ECRIT le 4 DECEMBRE 2010
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