… C’est du moins la proposition du critique d’art Harry Bellet, parue tout récemment dans les pages du Monde.
« Quand Buren bande, cela fait 8,7 centimètres. De large. Soit la dimension exacte des rayures qui l’ont rendu célèbre. C’est du moins ainsi que l’imagine l’artiste belge Jacques Charlier, qui depuis 1973 travaille à une série, enfin achevée, de « 100 sexes d’artistes ». On l’a entrevue lors du vernissage de la Biennale de Venise. Entrevue, car les dessins étaient simplement projetés en boucle, sur un écran de télévision qui avait trouvé refuge sur un bateau, loué pour l’occasion.
Une exposition à la sauvette, puisque l’artiste, que le critique Enrico Lunghi, directeur du Musée d’art moderne du Luxembourg, avait choisi pour représenter à la Biennale la communauté francophone de Belgique, a été censuré. D’abord par la Biennale, qui a refusé de l’inscrire dans son programme, ensuite par la ville de Venise, qui a interdit que Jacques Charlier affiche les reproductions de ses dessins en ville, pour ne pas, disent les édiles, « offenser le sens commun de la pudeur ». Jean-Michel Botquin
BOUCHE-À-OREILLE
On a connu les Vénitiens moins pudibonds et les responsables de la Biennale n’ont pas compris que l’art contemporain finira par crever de se prendre trop au sérieux. Mais, comme l’écrit la ministre de la culture de la communauté française de Belgique, loin d’annihiler le discours, cette décision l’amplifie largement. Les zizis de Charlier, plutôt gentils, ont ainsi bénéficié, si l’on ose dire, d’un bouche-à-oreille des plus flatteurs.
Restait à les juger sur pièce. C’est possible grâce à l’exposition au Palais des beaux-arts de Bruxelles, jusqu’au 13 septembre. C’est une leçon d’histoire de l’art contemporain. Un jeu de piste, plutôt, chaque artiste étant représenté, non par ses bas morceaux figurés de manière réaliste, mais par un dessin qui est aussi une métaphore de son oeuvre.
Celui de Christo est empaqueté, celui de Haring graffité, celui de Hirst subit le sort de ses veaux – il est à son tour découpé en tranches -, celui de Venet est tendu comme un arc, celui de Koons gonflé comme une baudruche. Peu de femmes, même si on apprécie la jolie fleur, un peu facile, de Georgia O’Keefe. Un jeu auquel chacun est invité à participer en testant ses connaissances en histoire de l’art du XXe siècle sur le site Internet de Charlier, et qui devrait figurer à l’examen de l’Ecole du Louvre ».
Harry Bellet
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